Mauvaise couverture - [Reboot]

- ... C'est vous qui me tenez et non l'inverse, je serai dos à vous. Et si cela vous rassure... Tenez.

Elle tire de son étui un couteau de chasse dont la lame semble extrêmement affûtée.

- Vous passez vos bras autour de mon cou et mettez ça contre ma gorge. ... Attention tout de même à ne pas m'égorger sur un malentendu. De plus... Nous avons tout notre temps.

La jeune femme arbore un sourire confiant en s'asseyant à l'autre bout du lit.

Pendant un moment, le jeune homme considère le poignard qu’elle lui met devant le nez, se demandant manifestement en quoi un tel objet pourrait le rassurer en quoi que ce soit. Il finit par comprendre que la lycane suggère qu’il ait ainsi une assurance si elle était agressive, ou plutôt qu’il devrait se sentir rassurer par le fait d’en avoir une à disposition. Sauf que ce n’est évidemment pas l’effet obtenu sur un être comme Constantin. Il sait bien qu’il n’a, normalement, rien à craindre de quelqu’un comme Siobhan, il sait bien que sa peur est irrationnelle, ce n’est pas une chose aussi rationnelle qu’un couteau qui pourrait l’en soigner.

Alors il inspecte un moment l’arme, la faisant tourner entre ses mains, avant de la tendre finalement à la jeune femme.

« Inutile, je ne saurais que faire avec ça, je risquerais de vous blesser sans le vouloir. »

Il la regarde s’asseoir à l’autre bout du lit, attendant une bonne minute pour se mettre à avancer à genoux vers elle. Hésitant, il pose un instant ses mains sur le dos de la lycane, atteignant les épaules avant de le retirer brusquement comme s’il avait été brûlé.

Siobhan s'efforce de garder une attitude la plus détendue possible malgré les effluves de peur... voire de quasi-panique qui émanent du jeune homme. Elle s'astreint même à ne pas tressauter quand il lui touche le dos. Par contre, elle ne peut s'empêcher de soupirer quand il rompt le contact.

- ... C'est douloureux ou juste désagréable ? Si c'est juste ennuyeux et que vous arrivez à prendre sur vous, on gère comme ça... Sinon on passe au plan B... Et je ferai attention à vous, promis. *un temps, puis elle marmonne sur un ton agacé* Et je crois que je vais aller secouer votre précepteur jusqu’à ce que ses dents s'entrechoquent. Ça prétend vous aimer ? Tsss. Incapables.

Pendant un bref instant, l’idée d’accepter ce plan B si tentant lui passa par l’esprit, mais il fallait être réaliste ; il n’y avait rien de plus dangereux que de se balancer au bout d’une corde, soutenu par une seule personne qui grimpait à une tour. Et puis, il aurait l’air parfaitement ridicule et ça, c’était indigne d’un Prince de Byzance. Il tâcha toutefois de ne pas l’expliquer en ces termes à la jeune femme.

« Non, non c’est juste … Ennuyeux. Je vais … y arriver. »

Comme pour le prouver, il reposa ses mains sur les épaules de la lycane, tentant de se rapprocher un peu. Elle pouvait sentir qu’il s’accrochait, mais qu’il dégageait aussi une peur considérable, rarement vu chez un être humain.

Pour penser à autre chose, le jeune homme se mit en devoir de répondre à la dernière remarque de Siobhan.

« Vous ne devriez pas, c’est un homme bon. Mais il y a des choses qu’il n’a pas besoin de savoir. »

Quand Siobhan prend la parole, c'est sur un ton très calme, très posé. Rassurant. Et... un peu hypnotique, aussi.

- J'ai été Changée quand je n'étais qu'un bébé. Le lycan qui m'a mordue a tué mes parents, et était en train de... de "jouer" avec moi quand ceux de mon Clan, attirés par l'odeur du sang et les hurlements que je poussais, sont arrivés. Ils l'ont enjoint de me remettre à eux. Et ils m'ont élevée, estimant que je mourrais à la première pleine lune. ... A la pleine lune suivante, j'ai failli mourir, mais me suis transformée en un minuscule louveteau. Et à celle d'après aussi. ... J'ai toujours survécu. .. Quand j'ai été nubile, mon... "père" est revenu. Il estimait avoir des droits sur moi. Et nos lois lui donnaient raison. Il est reparti avec moi. En fait, il voulait fonder une... famille. Ce qui aurait pu être agréable, si je n'avais pas été placée dans le rôle de la poule pondeuse. J'ai eu... des portées. Une certain nombre. Entre 11 et 15 ans. ... Ensuite, j'ai été assez grande. Je l'ai blessé très intimement avec un poignard en argent, et j'ai fui. ... Je fuis toujours, du reste. Je ne suis plus en âge pour qu'il puisse avoir des droits sur moi, mais nul doute qu'il me tuerait. ... J'ai eu peur pendant des années. J'ai eu la chance que ma famille m'ait aidée, parce que je leur en ai dit peu... Mais que ça leur a suffi pour saisir tout ce que je n'osais pas. ... Résultat : je peux vous raconter ma vie sans avoir besoin de vous buter ensuite, et le faire de façon suffisamment convaincante pour que vous soyez presque accroché dans mon dos.

Et, effectivement, la jeune femme a semble t'il profité honteusement de sa façon de captiver son auditoire pour... attirer Constantin plus vers elle ? Reculer vers lui ? Le fait est que le torse du jeune homme est à deux doigts du dos de Siobhan.

- Donc. Quand je dis "Incapables", je parle aussi de vous, en toute amitié.

Constantin ne prononça pas le moindre mot durant toute l’histoire de Siobhan, écoutant dans un silence quasiment religieux. De fait, il ne savait que dire, et n’osait de toute façon pas parler, et encore moins pour l’interrompre. Son ton était lent et quelque chose en lui annonçait qu’il était en train de se faire avoir, mais il ne pouvait rien dire, se contentant d’écouter. Un frisson très largement perceptible remonta sa colonne vertébrale quand elle évoqua ses multiples portés. Un coup de froid brutal qui remit instantanément son cerveau en place ; que cherchait-elle à faire exactement en racontant pareille histoire ? Le calmer ? Ce n’était peut-être pas la meilleure histoire pour ça … Quelque chose lui disait que c’était une tentative pour en savoir plus sur lui, après tout, n’importe quelle personne qui avait constaté son problème avec les gens comprendrait qu’il y avait quelque chose d’anormal. Etait-ce donc pour cela ?

Alors même qu’il en était arrivé à cette conclusion, la voix de Siobhan le tira de ses pensées en concluant son histoire. Et en annonçant qu’elle s’en servait en effet pour le rapprocher d’elle. La prise de conscience de sa position bloqua un bref instant le souffle du jeune homme. Mais s’il était particulièrement vexé par la méthode employée, il ne pouvait que constater son efficacité. Prenant une grande inspiration, il se rapprocha encore d’un centimètre.

« Je ne suis pas incapable. Je suis Prince. Il y a des choses qu’un prince ne saurait dire, à personne. »

Et pourtant, ça soulagerait tellement, ne serait-ce qu’une fois. Personne ne savait, personne ne devait savoir, mais chaque fois qu’il voyait son père, les mots le brûlaient. La même sensation se produisait à ce moment, sans doute à cause de son histoire à elle. Mais que pourrait-elle en penser ? Il n’était qu’un Prince qui avait toujours tout eu et qui s’était maintenant recroquevillé sur lui-même pour une histoire vielle de dix ans. Ses lèvres restèrent coites.

La lycane se permet un fin sourire. D'abord parce que son plan avait fonctionné et que le garçon était à présent presque en bonne position pour s'arrimer à son cou. ... Bon, il restait les jambes mais... Elle avait bon espoir. Mais ensuite parce qu'elle a eu confirmation de ce qu'elle soupçonnait. ... Elle fronce les sourcils. Bon. Vu la nature de ce qu'elle soupçonnait, ce n'était peut être pas une SI bonne nouvelle que ça, en fin de compte.
Elle laisse passer un temps sans parler, se contentant de prendre avec douceur les coudes du jeune homme, de façon à les rapprocher encore un peu et à ce qu'il puisse joindre ses mains sous son menton.
Elle prend ensuite une légère inspiration et se lève à demi, avec pour effet de soulever légèrement le jeune homme et de le coller à son dos.

- ... Ça va, comme ça ? .... Je vais vous dire ce que je pense, franchement : un Prince doit pouvoir se reposer sur des personnes de confiance. Un Prince ne peut tout faire, subir, penser tout seul. ... Un Prince ne doit pas laisser quelque chose d'horrible qui lui serait arrivé en ses tendres années le rendre vulnérable. Personne ne le doit, du reste. C'est juste un peu plus dur pour les Princes puisque on ne peut pas vraiment savoir qui vous aime ou non, je suppose. ... ... Si tout va bien, il faudrait que vous entouriez ma taille de vos jambes.

Et dire qu'il faudrait refaire tout ça au retour...

Le jeune prince retint une exclamation de terreur au moment où elle lui saisit les coudes pour le tirer vers l’avant, mais il ne s’évanouit pas, même pas quand elle se leva et qu’il se retrouva de fait collé à son dos. Il tremblait toutefois un petit peu, et sa peur, pure et incontrôlable, ne saurait se faire plus facilement repérable. Il n’écouta que d’une oreille les propos de la lycane, et aurait bien voulu lui répondre que son père était Empereur, qu’il avait d’autre soucis à se faire, et que son précepteur ne pouvait pas l’aider pour cela, mais il essayait de retrouver un souffle et un esprit apaisé, ce qui n’était pas une mince affaire. Finalement, une seule phrase sortit de sa bouche quand il la rouvrit. Nette et particulièrement simple.

« J’avais six ans. »

En terminant, il enroula ses jambes autour de la taille de Siobhan.

La lycane bloque un instant quand il noue ses jambes autour de sa taille. Parce que, simultanément, il y a un corps tremblant contre le sien et une odeur de peur enivrante et le loup relève la tête... Et il y a juste ces quelques mots "six ans", et le loup se prend un grand seau d'eau glacée dans la tronche.
Et ça lui plait pas du tout.

Elle recommence à respirer, et arrondit et fluidifie au maximum ses gestes, pour nouer la corde autour de leurs deux corps, s’efforçant de ne pas effleurer le jeune homme.

Elle voit à quoi ressemble un louveteau de six ans. Elle sait à quoi ressemblent les yeux de ceux qui se sentent abusés. Et le crime des adultes entourant l'enfant que fut le prince lui parait soudain plus grand encore.

- Bon sang. Quelqu'un aurait DU se rendre compte d'un truc. Ça ne se cache pas comme ça... Vous pouviez pas être si retors à six piges.... Et... L'individu... Il a été puni, pour son... acte ?

En fait là... Il suffirait qu'elle relâche sa vigilance une seconde pour se transformer, tant elle se sent furieuse. La lycane choisit donc de passer par la fenêtre, au moins elle aura d'autres sujets de réflexion.

Le Prince retint brusquement sa respiration au moment où la lycane passa par la fenêtre. Il n’avait jamais eu de problème avec les hauteurs mais étrangement le fait d’être harnaché ainsi sans qu’il puisse lui-même se sortir de là sapait toute sa confiance en soi. Durant un instant, il ferma les yeux, puis se dit qu’il serait sans doute beaucoup plus utile de répondre aux questions de la jeune femme. Il prit donc son inspiration avant de commencer.

« Il a été tué. Les gardes ont crus qu’il venait m’assassiner, les gens pensaient que c’est cela qui me … perturbait. »

Une main ici... Une autre là... Monter le pied et atteindre la corniche... C'est bien de s'occuper l'esprit, quand une partie de vous s'échine à vous démontrer qu'être un GROS quadrupède plein de crocs vous permettrait largement mieux d'exprimer votre frustration... Siobhan met donc un moment avant de répondre, juste le temps de pouvoir parler distinctement, sans effrayer plus le jeune homme en lui laissant voir son agacement et la semi frénésie dans laquelle son état d'anxiété la mettait.

- ... Vous perturbait. ... Grands dieux. Prince... ... Constantin. Vous êtes un garçon intelligent. Je vous pose juste une question : l'expression "colosse aux pieds d'argile"... Ça vous parle ?

Encore quelques acrobaties... et la lycane prend pied sur les toits.

- Hey. Vous avez vu comme c'est beau ? ... Profitez du calme, la suite promet d'être acrobatique.

Et on peut sentir le sourire dans sa voix. ... Un poil trop joueur pour être honnête.

Evidemment qu’il connaissait cette expression, et il n’avait pas besoin qu’on le lui explique, ni même qu’on lui dise le rapport avec sa situation. Simplement, il se savait également tout à fait capable de vivre avec ; après tout il vivait ainsi depuis plus de dix ans maintenant. Il était probablement beaucoup trop tard pour se soucier de savoir si c’était ou non la bonne méthode. Il n’y avait donc pas grand-chose à répondre à la lycane. Le jeune homme choisit donc de le faire par un trait d’esprit.

« Oui, et fort heureusement ; je suis loin d’être un colosse. »

A l’annonce de la suite des évènements, Siobhan peut clairement sentir les jambes et les bras du jeune homme se resserrer autour d’elle.

« C’est obligatoire ? »

Siobhan lève les yeux au ciel avec un demi sourire. Sale gosse. A la
question un peu angoissée du jeune homme, elle répond en te tournant à
demi :

- Vous n'auriez pas esquivé ma
question, votre réaction aurait suffi à ma satisfaction : je suis le
moindre mal d'avec une chute de plusieurs étages. Cela me va. Là,
évidemment, vu que vous tentez de feinter.... Et que je crains que ce ne
soit parce que vous pensez pouvoir toujours éviter les soucis que vous
crée votre situation... Je vais vous montrer à quel point je suis
mécontente.

Et elle saute dans le vide.

Bon,
évidemment, ça ne dure que quelques secondes, le temps d'effectuer un
rétablissement sur un bras et de bondir un peu plus haut sur les toits.

- Si vous sentez que vous allez vomir, par contre... Pas dans mon cou, merci.

« Euuuh … »

Ce fut la seule réponse concrète que le Prince réussit à donner à la menace implicite de la lycane, l’instant d’après elle se jetait en avant et il vit le vide se rapprocher à une vitesse beaucoup trop rapide. Il garda les yeux ouverts, sans rien faire d’autres que de voir les toits approchés, puis perdit tout repère jusqu’à ce que Siobhan se remette debout correctement. Ce n’est qu’alors, en entendant la fin de son cri s’étouffer dans sa gorge, qu’il se rendit compte qu’il avait hurlé durant une bonne partie du saut. Il tâcha de reprendre contenance, il était Prince après tout.

« Je … je ne vais pas vomir. »

La sensation de chute, puis se rattraper, puis sauter... Il n'y a presque rien de si grisant. C'est tellement... bon.
C'est encore meilleur quand votre passager ne tente pas de vous briser les tympans, mais bon. Ça valait le coup.

Siobhan laisse échapper un petit rire satisfait.

- Tant mieux. J'ai trop bon odorat pour que ça me botte. ... Quant à ce que vous essayez d'éviter... Je veux que vous y réfléchissiez. Quand vous vous marierez, vous devrez connaitre des étreintes largement plus intimes que celle que vous me donnez... bien que peut être moins étouffantes. Ce serait mieux sans tomber dans les pommes. Et comme cela peut être évité... Je veux croire que vous cesserez de jouer les andouilles. ... En plus, c'est plutôt sympa une fois qu'on s'y est fait, ce serait dommage que vous ratiez ça.

Elle lance sa main en arrière, ébouriffe nonchalamment les cheveux du jeune homme.

- Enfin, vous êtes encore trop jeune pour ça, sans doute.

Le ton est innocent, vaguement moqueur et, heureusement, clairement amical.

- Votre calvaire est bientôt fini, Altesse : les piafs sont là-bas.

Comme s’il n’y avait pas déjà réfléchit, avec son père qui lui envoie proposition de mariage sur proposition de mariage, toutes avec d’excellentes raisons et de gros avantages pour Byzance, il sait très bien qu’il lui faudra un jour accepter l’une ou l’autre, et que ce sera affreux ce jour-là. Pour l’heure, il s’était contenté, fait rare chez lui, de ne pas y penser ne serait-ce qu’un instant, mais cela commence à trop s’approcher. Et lui-même le confirme en grommelant vaguement à l’adresse de Siobhan.

« Je suis peut-être petit, mais j’ai l’âge d’un homme fait. »

Il relève vaguement la tête en entendant la dernière phrase et aperçoit en effet très vite son centre d’intérêt. Il ne peut s’empêcher de pousser un soupir de soulagement.

- ... Oh... Mais je n'en ai jamais douté.

La lycane grimpe souplement et arrive devant l'objet de leurs convoitises : le pigeonnier. Elle s'assied sur le sol et dénoue tranquillement la corde qui les lie, la réenroule avec précautions.

- Vous pouvez me lâcher.

Elle attend que le jeune homme s'exécute, puis s'approche prudemment des oiseaux.

- Vous voulez les voir voler, ou on en chope un ?

A voir son sourire plein de canines, nul doute que de se jeter sauvagement sur un malheureux volatile endormi lui paraitrait franchement fun.

Une fois descendu de son perchoir, le jeune homme inspecte un moment la lycane de son regard vairon, semblant presque douter de son affirmation précédente. Il lui adresse cependant un beau sourire.

« Merci pour la balade. »

Puis son attention se centre sur les volatiles, encore étonnamment endormis et il semble réfléchir un moment.

« Si vous pouviez en choper un, j’aimerais … comparer certaines choses. »

Et, ce disant, il se recule un peu et entreprend de retirer sa tunique, révélant qu’il porte une armature de cuir faisant penser à un corset féminin en beaucoup plus renforcé, donc l’utilité semblerait évidente à Siobhan.

La jeune femme disparait dans le pigeonnier dans un silence quasi fantômatique, et revient sur la pointe des pieds en tenant entre ses mains un pigeon bien éveillé qui a l'air de souhaiter très fort n'être pas là.

- Et voilà notre candidat. ... Joli, votre harnachement. ... Pas trop douloureux, par contre ? Ça n'abîme pas les plumes ?

Elle s'assied sur le rempart, caressant vaguement les plumes du volatile.

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Le pigeon :

Spoiler:

« Non, je l’ai fait doubler de laine, les plumes sont en bonne état. »

En effet, le harnachement a manifestement été fait sur mesure ; il se détache et s’attache par l’avant, ce qui permet apparemment au prince de s’en défaire et de l’enfiler seul. Ce qu’il fait d’ailleurs sans gêne, posant l’appareillage auprès de sa tunique. Deux ailes d’un blanc nacré s’étendent dans son dos, bien plus longues que la dernière fois que Siobhan les as vues, elles atteignent maintenant le bas du dos du jeune homme. Lorsqu’il les étend complètement, elles donnent une envergure assez importante, mais clairement loin d’être suffisante pour soulever le garçon.

Clairement soulagé de pouvoir laisser ses ailes respirer, le Prince s’approche de Siobhan, les yeux dardés sur le volatile.

« Serait-il possible de lui déplier une aile ? S’il vous plait ? »

Captivée par les ailes du prince, la lycane en avait presque oublié son prisonnier. Elle secoue la tête.

- Vos désirs sont des ordres.

Délicatement et en parlant à l'animal d'une voix douce et apaisante -qui pourrait rappeler quelque chose à Constantin, tiens- Siobhan déploie une des ailes du volatile.

- Voilà.

Une question la turlupine soudain :

- Et l'artisan qui vous a pondu ce corset, vous l'avez tué, ou bien il est muet, manchot et aveugle ? .... Ce qui aurait nui à la qualité de son travail, il me semble.

Le jeune homme se penche doucement sur l’aile du volatile, sans oser trop s’approcher de peur d’effrayer la bête, il l’inspecte tout de même assez longuement. Il finit par faire mine de tourner la tête pour regarder ses propres ailes déployées. Avec un soupir, il renonce et se retourne doucement, présentant son dos à Siobhan.

« Pourriez-vous me dire si vous observez des différences entre les ailes ? »

En effet, même si cela se ressemble beaucoup au premier abord, un œil averti notera que les armatures sont différentes puisque là où celles du pigeon sont ses membres, celles de Constantin sont des membres supplémentaires, greffés sur les omoplates apparemment. Leurs articulations sont donc légèrement différentes ; de plus, les ailes du jeune homme semblent proportionnellement plus fines mais cela pourrait être dû à des plumes pas encore assez développés.

Pendant qu’il est retourné, le jeune homme répond distraitement.

« Une commande faite par mon précepteur, que je suis allé chercher pour lui en tant que messager. J’ignore ce qu’il a raconté à l’artisan mais … Il me semble que cela incluait une maîtresse aux goûts étranges … »

Il se remercie intérieurement d’avoir pensé à se retourner, puisqu’il dissimule ainsi son rosissement.

- Ben oui. Vous, vous avez aussi des bras. ... Puis les siennes sont juste utiles. Alors que les vôtres sont... ... Magnifiques. *Le ton s'est fait clairement appréciatif sur le dernier mot.* C'est un vrai crime de devoir les cacher. ... Sinon... Mais ça vous devez vous en être aperçu, en proportion, vous ne pouvez pas voler. ... Pas encore. *Là encore, le ton s'est adouci* .... Bref. Vous êtes pas un piaf ordinaire, mais ça j'aurais pu vous le dire tout de suite.

Elle effleure distraitement le bout des rémiges princières du bout des doigts, ricane.

- Une maitresse, hmmm ? ... Ce type de harnachement est à la mode dans la haute ? *Elle semble visualiser, esquisse un sourire amusé* Vous êtes mieux sans. ... Vous avez encore besoin de Vaillant, ou je le repose ?

De nouveau, il fut soulagé de s’être retourné car il ne put empêcher ses joues de rosirent un peu quand la jeune femme complimenta ses ailes.

« Magnifiques ? … Merci … mais il vaut mieux les laisser cacher, les gens poseraient des questions bizarres. Et oui, je m’en étais rendu compte … mais j’ai quand même essayé par … acquis de conscience. »

Les plumes s’agitent distinctement quand la lycane les effleure de la main, tandis qu’un léger frisson parcours le dos du jeune homme. Il semble prendre un temps pour réfléchir.

« Vous pouvez le reposer, je pense … Merci. »

Tandis qu’elle s’en occupe, il se penche pour récupérer son harnais et l’inspecte un moment, semblant vouloir le remettre puis finit par le poser au sol et à s’asseoir à son tour. Il adresse un sourire d’excuse à la lycane.

« Je profite de les laisser dehors encore un peu. »

Après avoir rendu l'oiseau tout étonné d'être en vie à son perchoir, la lycane vient s'asseoir à côté du Prince. Légèrement en retrait.

- ... Je comprends bien tout ce qui touche à l'envie d'être libre. Pas de souci. ... Il en pense quoi, votre précepteur, de vos plumes ?

Presque machinalement, Siobhan tend la main et replace une plume de traviole.

- Ça ferait un chouette tableau pour un poète, ça. Vous, ailes déployées, devant la lune... Je suis persuadée que ça vous vaudrait un plus niveau princitude. Doit pas y en avoir des masses. ... *son ton devient plus sérieux* Constantin. Vous cachez plein de choses. Votre rang, votre peur, vos ailes... A un moment donné, quelque chose va vous péter au visage. Et ce ne sera pas beau, parce que quand on a peur comme je SAIS que vous avez peur... On cherche pas à se projeter pour se préparer mentalement. Donc, vous serez démuni, effrayé et seul. Alors que vous pourriez tout régler tranquillement, en étant aidé et le moins épouvanté possible. C'est idiot. *elle change de position, s'allongeant à demi pour pouvoir plonger ses yeux dans ceux du jeune homme en restant plus basse que lui* Et vous êtes pas idiot. Il y a un plan ? Dites moi que vous avez un plan, ou pour le retour, je vous fais faire tout le circuit acrobatique. ... En vous lançant en l'air.