Mauvaise couverture - [Reboot]

Alors que cela faisait à peine plus d’une semaine que le messager en provenance de Byzance avait annoncé la venue de son prince et s’était installé dans une vaste chambre de Camelot, un nouveau byzantin venait d’arriver au château et demandait à voir le prince immédiatement. Malgré son grand âge, l’homme savait se montrer convaincant et il réussit même à entrer au château. Alors même que tout le monde tentait de lui expliquer que le Prince n’était pas encore arrivé.

Constantin aurait pu le maudire mille fois, mais il réussit à l’attraper avant qu’il ne fasse trop de bruit. L’obligeant à le suivre dans la première salle venue, qui s’avéra être la salle de repos, heureusement vide, il tenta de lui expliquer la situation.

« Pas prince, Monsieur. Pas ici, pas encore. »

Ce n’est qu’en voyant l’air totalement perdu de son précepteur que le jeune Prince comprit qu’il s’était exprimé en breton. Il mit quelques secondes avant de retrouver les consonances du grec.

« C’est un ordre, ne m’appelez pas Prince. Pour l’heure, je ne suis que messager, est-ce bien clair ?

« Mais c’est extrêmement dangereux mon Prince et … »

« Et c’est un ordre. »

S’assurant rapidement du regard que personne n’était aux alentours, le jeune homme tâcha de s’expliquer longuement, en grec. De toute façon, personne ne comprenait cette langue ici.

Comme souvent quand elle faisait affaire avec le château, Siobhan avait été invitée à prendre un verre en salle de repos. Et comme souvent, elle avait pris celui ci assise sur une des fenêtres, les jambes ballant à l'extérieur. Celle donnant sur le Sud, pour être précis : on y avait vue sur la forêt, et la lune gibbeuse de ce soir l'éclairait d'une lueur bleue fantomatique. Elle porta l'eau de vie de pomme à ses lèvres et sursauta légèrement à l'arrivée d'individus bruyants dans la salle de repos. Ces humains. Si agités.... Une des odeurs lui semblait vaguement familière, elle se pencha donc pour observer entre deux rideaux. Ah, oui. Le gamin avec des ailes. Celui trop malin pour son bien. Elle allait signaler sa présence quand le jeune homme dit une phrase qui lui fit dresser l'oreille -quasi au sens propre :

« Pas prince, Monsieur. Pas ici, pas encore. »

... Huh ? Comment ça, "pas encore" ?? ... Pendant que Constantin assénait sur un ton impérieux des phrases bien senties au pauvre vieux, la lycane percuta. ... Putain. Elle avait fait tomber dans les pommes, porté la main sur, enlevé, engueulé... un prince. Elle se passa une main tremblante dans les cheveux. Et elle était vivante. ... Magnifique.

Le gamin avait fini son speech semblait-il. Elle se contenta donc de dire :

- Prince, hein. Et c'est quoi l'idée génialement tordue que vous avez eue, Votre Altesse ?

Et ne sortit de son rideau qu'après. L'esbroufe n'est pas réservée qu'aux Gailiards, et la pleine lune c'est après demain... Jouons un peu.

La voix sortit de nulle part pétrifia le jeune homme sur place, il se retourna lentement, pour voir apparaître depuis la fenêtre la lycane qu’il avait rencontré en forêt. S’il tenta de dissimuler sa surprise et sa contrariété, il ne put toutefois s’empêcher de se tendre un peu. Heureusement, elle avait parlé en breton et son précepteur avait encore un peu de mal avec cette langue. Sans lui laisser le temps de poser des questions, Constantin le fit sortir. Le vieil homme ne manqua pas de le gratifier d’un regard réprobateur, avant de servir le même regard, plus que méfiant, à Siobhan. Il finit toutefois par sortir sans prononcer le moindre mot.

Le jeune Prince se fit un masque de sourire et se retourna pleinement, s’appuyant tranquillement sur sa canne pour porter son regard sur la lycane.

« Siobhan ! Quel plaisir de vous revoir ? Vous allez bien ?

Première tentative pour détourner la conversation : manifestement un échec.

La lycane s'adossa au mur, croisant les bras. Le sourire ornant ses lèvres était clairement sarcastique, la révérence par contre, très protocolaire.

- Mais... Je vais très bien, merci, Votre Grâce. Puis-je pareillement m'enquérir de votre royale santé ?

Oui. Le détournement de conversation était raté, et pas qu'un peu.
Siobhan se décolla du mur et fit tranquillement le tour de la pièce, stationnant quelques instants à côté de la porte. Elle se mit à rire doucement, murmurant au jeune homme :

- Il est derrière la porte, la main sur la poignée. Il envisage sérieusement de me battre en combat singulier ??

Note à soi-même ; réviser les changements de sujets, il faudrait trouver autre chose. Le jeune homme laisse échapper un léger soupir, en suivant du regard la lycane.

« Je vais bien aussi. »

Après qu’elle luit ait fait remarqué la présence de son précepteur derrière la porte, il hurle quelque chose en grec, sur un ton qui ne laisse aucun doute quant au fait que ce soit un ordre.

« C’est un homme bon, et il se considère comme mon second père. Donc même sans espoir de ne serait-ce que vous égratigner, il va rester dans le parages. »

La jeune femme regarde la porte quelques instants.

- Il s'est éloigné... un peu. Il a l'air de tenir à vous. C'est une bonne chose : vous semblez avoir tendance à vous fourrer dans des situations... intéressantes, Votre Excellence. Est-ce à lui que vous allez confier la tâche de vous aider à... vous habiller ?

Elle s'assied sur une table.

- Et au fait, vous êtes prince d'où ? Votre langue sonne exotique, et le monsieur sent les épices. *lueur gourmande dans les yeux jaunes* On en mangerait.

Le jeune homme observa un moment la porte avec un petit sourire.

« C’est mon précepteur, et oui, je crois qu’il tient à moi … C’est à lui que je comptais le demander en effet … »

Apparemment, évoquer ses soucis d’ordre ailés n’a pas l’air de plaire particulièrement au jeune homme. Il trouve cependant rapidement un autre sujet à évoquer et le fait avec un certain sourire, sans réellement saisir la lueur gourmande de Siobhan.

« Je suis le Prince de l’Empire Romain d’Orient, Seigneur de Constantinople et futur Empereur du Grand Empire Byzantin. Constantii Justinius Caesarius. Mais tenons-nous en à Constantin. »

Et de conclure avec un légère révérence.

Elle hocha la tête. Le vieil homme avait eu peur à son approche mais son premier mouvement aurait été de s'interposer entre elle et le jeune homme si celui ci ne l'avait pas poussé dehors. Ça semblait donc un bon choix de faire appel à lui pour des choses.... inhabituelles.

- L'empire Byzantin. *elle plissa les yeux, cherchant à se rappeler les vieilles cartes des Anciens* ... Un vaste territoire au Sud ? ... *loooooong soupir* J'aurais du réclamer une rançon. Je suis un vieil animal stupide. Je n'ai vu que le fait que vous ne m'auriez offert qu'un maigre repas. Et donc. Pourquoi cette mascarade ? ... *elle tilte* Me dites pas que ce que vous m'aviez dit est vrai ! Quand vous avez dit vouloir fuir vos responsabilités et un possible mariage ?!

La lycane avait une bonne mémoire, c’était certain. Et elle s’y connaissait pas trop mal, pour quelqu’un qui n’avait jamais quitté son pays, identifier clairement la position de l’Empire Byzantin n’était pas si facile. Il s’empressa de la contredire, avec un petit sourire.

« Non, je ne fuit pas de mariage, et encore moins de responsabilités, je suis en Bretagne pour affaire … Quant à ce mensonge, eh bien disons qu’on en apprend plus sur la réalité des gens en étant simple messager qu’en étant prince. »

- Ooooooh. Ça, c'est quelque chose que je peux comprendre. Cette petite tête est décidément bien pleine en plus d'être bien faite. *grand sourire, geste avorté d'ébourriffage capillaire* Alors, les locaux sont comment ? Ils ont été loquaces avec le messager de Byzance ? ... Votre ami va croire que je vous moleste. Vous devriez le faire entrer.

Le jeune homme eut un haussement de sourcil en constatant le geste avorté de Siobhan ; elle se comportait de façon bien plus familière que la dernière fois qu’ils s’étaient rencontrés et le prince avait bien du mal à deviner pourquoi. Toutefois, ce qu’elle disait était sans aucun doute un compliment, il afficha donc un sourire courtois avant de se tourner vers la porte, s’y dirigeant tandis qu’il répondait.

« Pas autant que je ne l’espérais malheureusement, ils se méfient peut-être. Avec raison, certes … »

Sortant quelques minutes, on l’entend palabrer en grec durant une petite minute, il rentre mais la porte reste ouverte.

« Je lui ai dit que je n’avais rien à craindre et que vous étiez une amie, il tient toutefois à rester non loin de la porte. »

- Il peut même entrer. Il ne me gêne pas, et évitera de le faire se faire des idées. Les pères de substitution sont parfois pires que les réels pour ce qui est de l'instinct de protection. *léger sourire* Mais au juste... Que vouliez-vous savoir sur notre pays ? Je peux peut être vous renseigner.

L'excitation qui vous gagne avec l'approche de la pleine lune peut vous rendre super agressif, ou terriblement cordialotactile. Siobhan faisait plutôt partie de cette catégorie, ce qui faisait qu'elle se permettait des incursions au Palais même en cette période. Il faudrait toutefois se rappeler que le garçon n'aimait pas être touché, et...

- Quelqu'un s'est rendu compte que vous aviez découché ? ... *léger sourire* En fait, tout le monde s'en est moqué, c'est ça ? ... Ce sera moins facile, à présent, c'est sûr...

Elle jette un regard appuyé à l'embrasure de la porte.

A la proposition de la jeune femme, Constantin sortit aussitôt pour permettre à son précepteur d’entrer, lui assurant encore une fois qu’il n’y avait pas de problème. Le vieil homme salua poliment Siobhan avant d’aller s’installer sur un fauteuil, sans prononcer le moindre mot. Le jeune homme afficha un maigre sourire.

« Oh, je connais pas mal de chose de votre pays, je voulais voir comment les gens percevaient Byzance. Il est intéressant de voir que peu font la relation entre nous et les romains, ce qui est une bonne chose. Par contre, Byzance est vu comme une sorte de grosse réserve à pognon, mais les gens n’en savent guère plus. »

Puis il ajouta après un bref regard à son précepteur.

« En effet, tout le monde se fiche d’un messager. Mais je trouverais bien, même avec des difficultés supplémentaires. »

Siobhan salue le vieil homme, puis se déplie et commence un lent va-et-vient dans la pièce. Rien d'agressif, non. Mais chaque mouvement la rapproche des deux autres occupants, en une alternance quasi-hypnotique.

- Hmmm. Non. Les gens susceptibles de s'intéresser à ce qui se passe hors de leur village savent que vous êtes deux entités distinctes, je pense. *sourire plein de dents au précepteur* Et que vous êtes bien plus gros... et juteux, sans nul doute. Avec peut être... une exception notable pour le vin : d'où qu'il vienne, il est étiqueté "romain" s'il n'est pas local. C'est plus vendeur. ... Par contre, les gens -enfin, en l’occurrence moi- ont plus tendance à voir Byzance comme un truc plus... exotique, danseuses à moitié nues et tout ça. *moue déçue* Et je n'en vois pas la queue d'une.

Elle se penche un peu sur le percepteur, lui tendant un verre de vin. Le vieil homme sursaute et prend le breuvage avec un air un peu égaré.

- Entre nous, je crois qu'il ne vous lâchera pas d'une semelle et... à moins que je sois bigleuse, même un ordre direct ne lui fera pas relâcher sa garde. *regard en coin* Et à moins de vous échapper par la voie des airs, je ne vois pas comment vous allez vous y prendre, très cher.

Sans trop savoir pourquoi, le jeune homme voyait bien que son interlocutrice ne se comportait pas comme la dernière fois. Il savait cependant que les lycans étaient influencés par le cycle lunaire, était-ce simplement à cause de cela ? Il faudrait quelque chose de particulier, peut-être la pleine lune ? Mais il n’avait pas consulté le cycle lunaire depuis un moment alors il était incapable de vérifier son hypothèse, il faudrait qu’il songe à lui demander.

Pour l’heure, son précepteur ne parlait pas un mot de breton mais étant donné l’intelligence du vieil homme, il ne fallait pas compter profiter de cet avantage trop longtemps. Oh bien sûr, rien de ce qu’il disait n’était véritablement confidentiel ; le vieillard avait fait partie du voyage avec Constantin jusqu’à l’arrivée en Gaule, là où le jeune homme était partie devant. Il était donc au courant pour les ailes, mais inutile qu’il sache tout, pour l’instant.

Un léger sourire s’afficha sur les lèvres du jeune homme en entendant la vision de Byzance qu’avait Siobhan.

« Je n’oserais infliger un climat pareil à nos danseuses, j’en suis navré si cela vous déçoit, mais je ne songe qu’à leur santé. »

Son analyse sur le précepteur était sans doute exact, malgré l’autorité que représentait le prince, le vieil homme le prendrait toujours comme un enfant, et jamais Constantin n’oserait le punir après tout ce temps. Il était donc dans une impasse, mais il s’en sortait toujours, il trouverait, même ici.

« Elles ne sont pas encore assez longues pour cela. Mais je trouverais autre chose. »

La lycane s'éloigna du vieil homme, soulageant celui-ci d'une tension... électrique. Elle alla se poser sur un fauteuil non loin, posant ses coudes sur ses genoux, ses yeux ambre chaud posés sur Constantin.

- Je pourrais vous aider, moi. Je connais bien le château... Et je sais y entrer et en sortir sans nécessairement passer par la Grand'Porte.

... Ca c'était l'une des plus grosses bêtises imputables à la pleine lune qu'elle faisait depuis ses quinze ans et la visite de la Grotte de l'Hexenbeast avec Finn et Sköll. Bon. Ceci dit... Le petit pouvait toujours refuser... Quitte ou double. La lycane ne put s'empêcher de sourire plus largement : la vie est toujours si intéressante...

Le jeune homme ne réagit pas immédiatement, préférant venir se camper tranquillement sur un fauteuil en face de la jeune femme, posant sa canne sur le repose-bras. Il étudiait manifestement la proposition avec attention ; il n’avait plus beaucoup de temps pour profiter de son relatif anonymat, il ne pouvait donc pas aisément se passer d’aide.

« Si cela ne vous dérange pas, ce serait très aimable à vous, en effet. »

Et le jeune homme d’arborer un sourire poli.

Le sourire s'agrandit encore. Magnifique. Ce garçon est vraiment... intéressant, faute d'autre mot. Elle se penche plus encore en avant, parle à mi-voix :

- Où voudrez-vous aller, que voudrez-vous faire ? Que je sache vers quel côté nous orienter au sortir du château ?

Son ton ne cache pas l'amusement que faire le mur avec l'héritier du trône impérial de Byzance lui cause. Puis elle redevient sérieuse.

- Par contre, dehors.. Vous faites ce que vous voulez... sauf s'il y a danger, d'accord ?

Elle tend une patte calleuse au Prince pour sceller leur accord.

Le Prince inspecta la proposition, il n’avait pas tant de chose à faire que cela, heureusement. Mais ses idées étaient très claires à ce sujet.

« Le pigeonnier, ils n’aiment pas qu’on y passe, par peur des espions je suppose. Mais j’ai besoin d’étudier les oiseaux en ce moment. Et si vous avez des coins pour les … étudier en forêt, ça m’arrangerais aussi. Sinon, j’aimerais bien faire un tour au village, je ne l’ai jamais fait sans véritable escorte, et ils vous empêchent évidemment de tout voir. »

Constantin n’avait aucune rancœur à ce sujet, c’était ce que tout le monde faisait, cacher les bas-fonds, classique. Mais il était curieux de nature, alors évidemment cela ne lui convenait pas. Inspectant la main tendue un moment, il hésita visiblement à la serrer mais finit par le faire, sans même afficher une grimace de contrariété, il était habitué à serrer des pattes.

« Je ne comptais rien faire de dangereux pour moi, rassurez-vous. »

Amusant ? Ce n’était pas le premier terme auquel il aurait pensé pour se décrire mais il ne préféra pas contredire la lycane, se contentant de peser les jours qu’il lui restait. Son précepteur s’était sans doute hâté, le reste ne suivrait pas loin derrière, malgré les ordres. Une semaine, grand maximum. Il finit par se pencher un peu vers Siobhan.

« Le plus tôt possible, dans une semaine grand maximum, il faudra que j’annonce que je suis en fait Prince de Byzance, et j’ai peur que tout le monde ne le prenne pas aussi bien. »

La jeune femme bascule à nouveau vers l'avant, penchée vers le prince.

- ... Ce soir ? Après que vous ayez fêté les retrouvailles avec votre professeur ? *léger regard au digne monsieur* Je suis sûre que vous lui avez manqué. ... Et que c'est réciproque. Je peux passer vous chercher, si vous voulez. .... Vous aimeriez commencer par quoi ?

Le jeune homme se recula tranquillement dans son siège, prenant l’air le plus tranquille du monde, à l’inverse totale de celui d’un conspirateur. Il tenait à donner un minimum le change à son précepteur même si ce dernier devait déjà se douter de quelque chose.

« Ce soir, ça m’ira très bien oui. Une fois la nuit bien tombée …. Où devrais-je vous retrouver ? Oh et ; je n’ai pas une très grande endurance et je ne sais pas du tout grimper, à quoi que ce soit … Donc je ne saurais trop quoi vous dire. Et si nous commencions par … le village ? »

Siobhan se lève pour se resservir du vin et répond, sur son ton le plus convivial :

- Le village sera très bien pour commencer. Prévoyez votre cape la plus miteuse possible. Pas de bijoux, très peu d'argent. Retrouvons nous... aux écuries, tiens. Vous arriverez à le semer ?

Le jeune homme prit un moment de réflexion, semblant peser ses chances ; même s’il était moins rapide, il connaissait forcément mieux le château que le vieil homme, il devrait pouvoir s’en sortir.

« Sans problème. A ce soir donc.

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Le soir-même, le jeune homme se trouvait comme prévu aux écuries, vêtu d’une large cape élimée et grise. Il ne portait pas de bijoux, et rien n’indiquait son appartenance à la noblesse, même sa canne était différente. Mais son visage était beaucoup trop propret, et son allure digne, pour réellement faire « gars du peuple », au moins essayait-il.