Mauvaise couverture - [Reboot]

Pour la première fois depuis leur rencontre, le jeune homme resta coi pendant un long moment, il semblait considérer les différentes options qu’il avait devant lui, à savoir mentir ou dire la plus simple vérité, même si elle s’avérerait horrible. Il choisit la seconde option, ses yeux vairons se plantant dans le regard de la lycane.

« Evidemment que non, je n’ai pas de plan. Comment pourrais-je en avoir ? Je ne peux pas en parler, mon père est Empereur, il a d’autres choses à penser et à faire. Mon précepteur … ne comprendrait pas, il ne peut pas m’aider sur ce point … »

Sa voix s’étrangla dans sa gorge, il se détourna soudainement, ses ailes se repliant autour de ses épaules.

Ah ben merde.
En politique, c'est bien de faire craquer l'adversaire.
Mais là, on n'est PAS en politique, et l'adversaire est définitivement trop sympathique pour apprécier de le voir si pitoyable.

Siobhan s'éclaircit la voix.

- Je pense que vous sous estimez.. au moins votre précepteur, puisque je ne connais pas votre père. Même si la situation l'épouvanterait sans doute, je suis prête à parier qu'il ferait tout ce qui serait en son pouvoir pour vous aider. ...

C'était bien le moment d'être à court de mots, tiens. Et le prendre dans ses bras ne semblait pas une SI bonne idée. ... Encore que...

Bruit de tissus, impression étrange une seconde... Puis, un cliquetis se fait entendre sur le toit et soudain un gros quadrupède au poil chaud s'enroule autour du prince, sa grosse tête sur les genoux du jeune homme, son flanc contre de dos mince et sa queue quasi sur le truffe.

Deux grands yeux dorés et affectueux se lèvent vers le jeune homme.

Le jeune homme ne répondit pas ; que pouvait-il dire de toute façon ? Lui-même n’avait aucune idée de ce qu’il pouvait faire pour s’aider lui, alors il doutait fortement que son précepteur ait une idée, malgré tout le respect qu’il avait pour cet homme. Il s’apprêtait à tenter de l’expliquer à Siobhan lorsqu’il prit conscience de la présence beaucoup plus imposante qu’il y avait à ses côtés. Le temps de tourner la tête et un immense loup s’était enroulé autour de lui. Le jeune homme eut une petite exclamation de surprise, mais pas effrayée.

Il eut un léger rire, gêné, puis passa une main sur la grosse tête de la louve.

« Vous êtes toute chaude, et toute douce comme ça. »

Sa voix était toujours un peu étranglée mais il affichait un petit sourire, qui lui donnait véritablement un air de gamin. Finalement, il enroula les deux bras autour du cou de la bête et enfouit son nez dans la fourrure, apparemment pas gêné le moins du monde par ce contact-là.

Mmmmh.

Le monde de la louve se réduisait à ce petit homme qui lui faisait un câlin. Elle aimait bien les câlins. Et heureusement qu'elle était sous forme de loup, sinon, elle aurait sûrement fait une plaisanterie grivoise sur ce que venait de dire le jeune homme, mais... Au moins, elle n'était pas tentée. Elle battit de la queue.

La lycane laisse passer quelques instants, ainsi.
Longs, les instants.
Mais quand même. C'est bientôt le matin, et de déplacer avec un prince accroché au dos sera bien plus compliqué alors. Elle donne un coup de truffe au jeune homme, assorti d'un "bwouf ?" interrogatif.

Ainsi tranquillisé, le jeune homme ne bougea pas durant un long moment, que la louve semblait toute aussi satisfait de partager sans rien dire et sans rien faire. Il finit même par enrouler ses ailes autour du corps de la bête. On aurait pu croire que le garçon était endormi puisqu’il avait fermé les yeux mais le rythme de sa respiration semblait indiquer que ce n’était pas le cas.

Finalement, il ne rouvrit les paupières que lorsque la louve l’interrogea avec un petit coup de truffe, dardant ses yeux à demi ouverts sur elle, il réfléchit quelques instants, puis approuva.

« Oui, il va falloir rentrer, je suppose … »

La louve se détacha à regret du jeune homme : elle aurait bien dormi un peu, comme ça. C'était ce qui lui manquait dans vivre en meute : l'intimité .

Elle s'éloigna vers ses vêtements et se retransforma en quelques instants, puis entreprit de se rhabiller sans précipitation.

- Remettez pas nécessairement votre corset. Vous allez bien tenter de dormir un peu, là, non ?

Le jeune homme eut un léger frisson quand la louve s’écarta, il se leva donc rapidement et se dirigea vers ses vêtements, tâchant de ne pas regarder dans la direction de Siobhan. Un léger rosissement le prit tout de même et il fit mine d’examiner sa tunique et son corsage.

« Mais sans ça, j’aurais du mal à remettre la tunique, les ailes tiennent mal en place … »

Elle a un rire léger en terminant de se rhabiller.

- Hé bien ne mettez pas de tunique. Je ferai attention à ne pas blesser votre peau délicate de noble patricien avec les cordes. Et on rentrera avant que vous ne preniez froid. ... Venez.

Elle s’assied près du bord du toit, les jambes dans le vide, et commence tranquillement à dérouler la corde, attendant que le jeune homme vienne de lui-même.

Constantin se contenta de répondre avec un sourire amusé à la suggestion de Siobhan, il préférait sans aucun doute mettre sa tunique, le cas contraire voudrait qu’il se retrouve directement en contact avec la jeune femme, et ce serait sans doute encore pire qu’à aller. Mais ses ailes, elles semblaient encore avoir grandis depuis seulement quelques minutes, à moins que ce ne soit juste parce qu’il les avait étendues. Toujours est-il qu’elles semblaient lui intimer de les laisser dehors encore quelques temps. Il finit par pousser un soupir, rouler en boule sa tunique et saisir le corset de cuir, avant de s’installer derrière la lycane.

« Espérons que les ailes ne vous gêneront pas dans vos … acrobaties. »

Bon. Le concept de s'accrocher à son dos semblait ne plus être si effrayant. Comme quoi, tout n'était définitivement pas perdu. Elle recula un peu de façon à laisser un minimum d'espace entre le jeune homme et elle, et commença à faire ses nœuds, en évitant soigneusement d'entraver les ailes.

- Si vous me prévenez, vous pourrez même essayer de planer. Ça ne marchera pas, vu nos deux poids combinés, mais la sensation serait sans doute intéressante. Je vous dirai quand je pense sauter.

Elle resserra le dernier nœud, collant définitivement l'adolescent à son dos.

- On y va ? Si votre précepteur ne vous trouve pas dans votre lit ce matin, je pense qu'il va tomber dans les pommes.

« Planer ? Oui, je vous préviendrais, si je le fais. »

Au ton de la voix, il était évident que oui, il le ferait, et sans doute plutôt deux fois qu’une, mais il reprit un air sérieux au moment de se retrouver coller au dos de la lycane. Poussant un vague soupir avant de prendre une grande inspiration, sans plus de crise que cela.

« Oui, dépêchons alors … »

La jeune femme commence d'abord par descendre de façon presque
conventionnelle. Cependant, en arrivant sur un toit plat d'une longueur
assez grande, elle accélére et, au moment de sauter, donne une
impulsion assez incroyable à leur étonnant duo.

- C'est à vous !

Ils commencent à tomber.

Cette fois-ci, le jeune homme est resté extraordinairement calme durant toute la durée du voyage, ou du moins, jusqu’à ce qu’on lui indique clairement que c’était à lui. En voyant le toit suivant se rapprocher à grande vitesse, le Prince pousse un nouveau cri, mais qui s’apparente plus à de la joie cette fois, et qui ne dure pas aussi longtemps. Ses grandes ailes se déploient brutalement, et si elles ne peuvent les faire planer, au moins réussissent-elles à ralentir leur chute à tout deux, durant une seule petite seconde, avant qu’ils n’attérissent.

Siobhan eu peur -un tout petit peu- de mal se réceptionner, et de les envoyer tous deux dans le décor, mais non. Le toit légèrement pentu surplombant la chambre de Constantin a fait une parfaite piste atterrissage.

- Bravo ! Ça a marché ! Vous avez été... parfait. *elle lui tapote le genou* Vous pouvez être fier de vous.

Elle se laisse glisser le long de la corniche, vérifie que la pièce est inoccupée, puis entre.

- Allez, petit Prince. Au lit. ... Je sais pas vous, mais moi, je suis crevée.

Elle commence à dérouler les cordes.

Le Prince sauta à terre dès que la corde le lui permit, étendant de nouveau ses ailes, puis ses bras à la manière d’un chat qui s’étire, il s’avança vers le grand lit et s’assit déjà dessus, posant sa tunique et le corset de cuir au bout.

« Je suis fatigué, oui. Je vais dormir quelques temps … »

Pris d’un doute, il se relève et va jusqu’à la porte, vérifier qu’elle est bien fermée, puis revient tranquillement à sa place, se tournant vers Siobhan.

« Vu l’heure qu’il est, il fera jour le temps que vous soyez chez vous, non ? »

Siobhan rajuste ses vêtements, mis à mal par les acrobaties précédents et se dirige tranquillement vers la fenêtre.

- Dormez bien, alors. ... Ah oui, sans aucun doute, je ne sera chez moi qu'après le lever du soleil. Pourquoi ?

Elle jette un regard interrogatif au jeune homme... avant de laisser ses yeux l'effleurer de haut en bas avec un sourire amusé.

- Un vrai être de légende.

Le jeune homme rougit visiblement, avant de détourner le regard en grommelant quelque chose de complètement indistinct, le temps de reprendre contenance.

« Et ça vous dérange pas ? … Si vous voulez vous reposer avant, il y a de la place ici … »

En effet, la chambre est vaste. Le jeune homme tourne son regard vairon vers Siobhan, apparemment il s’agit de la seule idée qu’il ait trouvé pour l’instant pour la remercier.

La lycane réfléchit un instant. Effectivement, malgré ses capacités de récupération hors pair, cette nuit sans sommeil commençait à lui plomber les pattes. Du coup... Pourquoi ne pas accepter l'invitation ?

- D'accord. Je peux m'installer où sans gêner ? ... Je vous signalerai bien que je fais un doudou absolument formidable, mais je ne voudrais pas vous faire rougir... encore une fois.

Le sourire plein de dents qu'elle lui adresse implique sans possibilité d'erreur qu'elle ment.

Et c’est évidemment gagné, le Prince ne peut s’empêcher de rougir à la remarque, secouant la tête pour cacher sa gêne et se détournant un instant, en faisant mine d’inspecter la pièce. Son regard revient ensuite au lit sur lequel il est assis, puis à Siobhan.

« Eh bien … le lit est largement assez grand. Si vous tenez que cela à faire un doudou. »

La jeune femme hausse les sourcils. ... Mais il se rend compte de ce qu'il dit, des fois, ou il est trop mignon pour son bien ?

- Vraiment ? ... Ce n'est pas une offre que je suis du genre à refuser. ... Vous préférerez sans doute la forme pelucheuse pour se rouler en boule à vos pieds ? ... Par contre, soyez mignon d'intervenir si quelqu'entrant tente de me tuer. Je suis pas jouasse au réveil.

Elle commence à déboucler sa ceinture.

Le jeune homme passe sagement derrière un paravent, mais sa voix se fait toujours entendre pendant qu’il se change.

« Prenez la forme que vous voulez, je ne pense pas que je vais m’en soucier pendant que je dors. »

Manifestement, il attend un peu plus longtemps qu’il n’en a besoin, sans doute pour laisser du temps à la jeune femme pour se préparer. Puis, lorsqu’il juge avoir assez attendu, il revient, le torse toujours nu pour laisser ses ailes libres, mais un large pantalon enfiler, sans doute plus pratique pour dormir.

« Personne n’entrera sans ma permission. »

La jeune femme est assise sur le bord du lit, en chemise à mi cuisses,
ses chausses proprement repliées et posées dans un coin. Elle semble en
pleine réflexion.

- ... Bon. D'accord. Si
cela ne vous gêne pas, je reste comme ça. Je préfère être dans ma meute
pour dormir sous forme loup. ... Et je vous promets que je ne collerai
pas mes pieds froids contre vous. .. Dodo ?

Elle tapote le lit.

Le jeune homme acquiesça doucement, affichant même un petit sourire en s’installant d’un côté du lit.

« C’est gentil. En échange, je tâcherais que mes ailes ne prennent pas trop de place, mais je ne peux rien vous garantir, j’en suis navré. »

Il se glissa tranquillement sous les draps, désignant d’un geste l’autre côté du lit à Siobhan. En effet, c’était largement assez grand ; et le jeune homme semblait décider à mettre une certaine distance entre eux tout de même.

La lycane hausse les sourcils. Il lui semblait pourtant avoir insisté sans équivoque aucune sur le fait que les excroissances surnuméraires du jeune homme lui semblaient tout à fait agréables. Elle hausse donc les épaules.

- Comme si vos ailes pouvaient me gêner.

Elle se fourre sous les draps parfumés avec un grognement de bien être et se roule en boule face à l'adolescent. Seuls ses yeux et ses cheveux en désordre sont encore visibles. Elle sourit.

- Me reste plus qu'à vous souhaiter... *elle baille* ... une bonne fin de nuit ?

Le jeune homme haussa un sourcil un peu surpris de la remarquer si prompte de Siobhan ; après tout bien sûr que les ailes pouvaient gêner, elles étaient assez grandes, et risquaient de bouger durant la nuit. A ses yeux, il semblait logique qu’elles puissent constituer une gêne. Il finit par hausser les épaules, sans réellement comprendre.

Le Prince eut un sourire en la regardant s’installer, et ne put réprimer un bâillement, cet acte était étrangement communicatif. Lorsque sa voix répondit, elle semblait plus lente qu’à son habitude, déjà engoncée à moitié dans le sommeil.

« Bonne fin de nuit, Siobhan. »